Opération Trimalchion: sa femme!

Publié le par gallicusmagister

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FORTUNATA: GRAYL.

TRIMALCHION: AUB.

SCINTILLA: AUR.

HABINNAS: CED.


(à un signal donné par leur maître, tous les esclaves se mirent à appeler Fortunata à trois et quatre reprises. Elle arriva enfin. Sa robe, retroussée par une ceinture vert-pâle, laissait apercevoir en dessous sa tunique couleur cerise, ses jarretières en torsade d’or et ses mules ornées de broderies du même métal. Après avoir essuyé ses mains au mouchoir [ page ]qu’elle portait autour du cou, elle se plaça sur le même lit qu’occupait l’épouse d’Habinnas, Scintilla, qui lui en témoigna sa satisfaction. Fortunata l’embrassa)

FORTUNATA - Quel bonheur de vous voir !


(Ensuite elles en vinrent à un tel degré d’intimité, que Fortunata, détachant de ses gros bras les bracelets dont ils étaient ornés, les offrit à l’admiration de Scintilla. Enfin elle ôta jusqu’à ses jarretières ; elle ôta même le réseau de sa coiffure qu’elle assura être filé de l’or le plus pur. Trimalchion, qui le remarqua, fit apporter tous les bijoux de sa femme)


TRIMALCHION - Voyez quel est l’attirail d’une femme ! c’est ainsi que nous nous dépouillons pour elles, sots que nous sommes ! Ces bracelets doivent peser six livres et demie ; j’en ai moi-même un de dix livres que j’ai fait faire avec les millièmes voués à Mercure.

(il fit apporter une balance, et tous les convives furent forcés de vérifier le poids de chacun de ces bracelets. Scintilla, non moins vaine, détache de son cou une cassolette d’or, à laquelle elle donnait le nom de Felicion, et en tire deux pendants d’oreille, qu’elle fait à son tour admirer à Fortunata)


SCINTILLA - Grâce à la générosité de mon mari, personne n’en a de plus beaux.

HABINNAS - Parbleu ! ne m’as-tu pas ruiné de fond en comble pour t’acheter ces babioles de verre ? Certes, si j’avais une fille, je lui ferais couper les oreilles. S’il n’y avait pas de femmes au monde, nous mépriserions tout cela comme de la boue ; mais toutes nos remontrances n’y font que de l’eau claire.


(les deux [ page ]amies, déjà étourdies par le vin, se mettent à rire entre elles, et, dans leur ivresse, se jettent au cou l’une de l’autre. Scintilla vante les soins diligents que Fortunata donne à son ménage ; Fortunata, le bonheur de Scintilla et les bons procédés de son mari. Mais, tandis qu’elles se tiennent ainsi étroitement embrassées, Habinnas se lève en tapinois ; et, saisissant Fortunata par les pieds, lui fait faire la culbute sur le lit… Une nouvelle troupe d’esclaves se présente aussitôt ; les uns, en se retirant, criaient : — Adieu, Gaïus ! — Les autres, en entrant : — Bonjour, Gaïus ! Parmi les nouveaux venus se trouvait un esclave d’une figure assez agréable : Trimalchion s’en empare et le couvre de mille baisers.)


FORTUNATA – Tu es bien ordurier, bien infâme, de te livrer ainsi sans contrainte à tes honteux penchants. Chien !

TRIMALCHION (lance une coupe à la tête de Fortu[ page ]nata. Celle-ci se met à crier, comme s’il lui eût crevé un œil, et se cache le visage dans ses mains tremblantes. Scintilla, consternée de cet accident, la reçoit dans ses bras, et la couvre de son corps. Un esclave obligeant s’empresse d’approcher de sa joue malade un vase d’eau glacée ; Fortunata, la tête penchée sur ce vase, gémit et verse un torrent de larmes.) - Eh quoi ! dit-il, cette coureuse ne se souvient-elle plus que je l’ai tirée de la huche à pétrir ? que je lui ai donné un rang dans le monde ? La voilà qui s’enfle comme une grenouille ! elle crache en l’air, et cela lui retombe sur le nez.
HABINNAS- C'est comme la mienne. C’est une bûche, et non pas une femme. On sent toujours la fange où l’on est né. Le ciel me soit en aide ! je rabattrai le caquet de cette Cassandre qui veut porter les chausses. Elle oublie sans doute que lorsque je n’avais pas encore un sou vaillant, j’ai pu trouver des partis de dix millions de sesterces.  C’est bien : je ferai en sorte qu’après ma mort tu gratteras la terre avec tes ongles pour me ravoir. (les deux amis s'embrassent)
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